Vous pensiez que le vin se déclinait en seulement trois couleurs, blanc, rouge, rosé ? Alors il est temps de bien ouvrir vos yeux, car en cherchant bien, on peut en trouver jusqu’à neuf ! Petit voyage dans la palette chromatique du vin.
Vin blanc
On commence en douceur, avec une couleur bien connue, le vin blanc. Connue mais pas si évidente, puisque le vin blanc est en réalité… jaune. Et produit à partir de raisins blancs, qui sont tout aussi jaunes ! Cette dénomination remonte à loin, puisque selon Michel Pastoureau, historien des couleurs, les trois couleurs de base de la culture occidentale sont le blanc, le rouge et le noir. On est donc ici dans le registre du symbole, et pas de la description chromatique.
Vin rosé
Produit à partir de raisins noirs (enfin, rouges, voire même violets…), ce vin peut afficher toute une palette de couleurs, du rose bonbon jusqu’à l’orange corail, en fonction des cépages qui le composent et du temps de macération : si les raisins sont pressés rapidement, les pigments de la peau auront à peine le temps de colorer le jus ; si la macération se prolonge, le vin prendra une couleur plus affirmée et foncée.
Vin rouge
On retombe ici dans la symbolique des couleurs énoncée pour les vins blancs. Issu de raisins dit noirs, qui ont en fait la peau violette (pour faire simple…), le vin rouge peut se décliner du rouge vif jusqu’au violet foncé quand il est jeune, prenant des teintes orangées voire brunes en vieillissant. Ni « blanc » (c’est-à-dire clair), ni « noir » (c’est-à-dire très foncé), il est qualifié de rouge, la troisième couleur disponible dans notre culture. Et gageons que l’identification du sang du Christ au vin a contribué à renforcer cette dénomination…
Vin gris
Ici pas de mystère : le vin gris est simplement un type de vin rosé obtenu par pressurage direct de cépages rouges, dont le jus n’est que très faiblement coloré. Le résultat est un vin rose très clair, saumoné, aux reflets argentés qui lui ont donné son nom. S’il s’en produit un peu partout, notamment en Val de Loire, le plus connu reste le « gris de Toul », qui fit les beaux jours des casernes de Lorraine.
Vin jaune
On retombe ici un peu sur nos pattes, car le vin jaune est vraiment jaune. C’est une spécialité du Jura, un vin obtenu par une lente oxydation, résultant de la longue conservation (plus de 6 ans quand même !) d’un vin de cépage savagnin dans un fût. D’une couleur jaune doré, aux arômes caractéristiques de noix, de pomme verte et de curry, c’est le parfait compagnon du comté. Un vin exceptionnel, qu’on adore ou qu’on déteste, mais qui laisse rarement indifférent.
Vin orange
Rien à voir avec le vin d’orange, décoction d’agrumes : ce vin aux reflets orangés est un vin blanc élaboré comme un vin rouge, c’est-à-dire en laissant macérer les raisins entiers (avec la peau), alors que d’ordinaire on presse ceux-ci pour n’en faire fermenter que le jus. Ce procédé a pour effet de donner plus de couleur et de corps au vin. S’il revient à la mode aujourd’hui, ses origines sont anciennes : on en trouve trace 4000 ans avant Jésus-Christ, en Géorgie.
Vin vert
Existe-t-il réellement des vins verts ? A l’exception du bien nommé « vinho verde », vin blanc léger produit au nord du Portugal, dont la robe tire en effet vers le vert très clair, on ne trouve pas de vin de couleur verte. Nombre de vins blancs affichent des reflets verts dans leur jeunesse, mais ils n’en restent pas moins blancs (enfin, jaunes). En fait, ce qualificatif de « vin vert », plutôt péjoratif, s’emploie pour désigner un vin trop acide, souvent issu de raisins insuffisamment mûrs.
Vin bleu
Avant qu’un « vin » industriel couleur de piscine ne débarque en France, il existait déjà un vin bleu produit par une coopérative des Vosges à partir de cépages hybrides (oberlin et khulmann) et tirant son nom de sa couleur rouge violacé très foncée. On peut s’étonner de ces tentatives de s’approprier cette couleur quand on sait qu’il y a un siècle, celle-ci désignait un vin grossier et fort alcoolisé servi dans les bistrots, et que Brassens célébrait ainsi : « Mais si t’as l’gosier/Qu’une armure d’acier matelasse,/ Goûte à ce velours,/ Ce petit bleu lourd de menaces. »
Vin noir
C’est évidemment un vin à la robe foncée et dense, à travers laquelle on voit à peine passer la lumière, et dont le plus connu est le cahors, produit à partir du cépage malbec, que les Anglais surnommèrent « black wine » au Moyen Âge. Mais ce n’est pas le seul, et l’on surnommait également « le très beau vin noir » le cornas du nord de la Vallée du Rhône, né de la syrah. De même, le plus ancien cru libanais connu est un « vin noir du Mont Liban » de 3 500 ans, dont la mention a été trouvée dans un tombeau de pharaon en Égypte.
Le conseil de Lucien
Dans tous ces vins, les deux les plus atypiques sont sans doute le vin jaune (du Jura) et le vin orange, qui revient à la mode. A goûter absolument au moins une fois (voire plus) dans sa vie d’œnophile !
❦