Du raisin au vin : l’équation de la fermentation

Si le vin n’est rien d’autre que du « jus de raisin fermenté », par quel processus passe-t-on de l’un à l’autre ? Tout simplement en transformant les sucres du jus en alcool, en suivant l’équation de la fermentation.

Cette équa­tion peut être écrite sous une forme très simple :

et s’énoncer ain­si : « le sucre est trans­for­mé par l’action de levures en alcool et en gaz carbonique ».
La puis­sance de cette for­mule est double :

  • l’équation étant la même pour tous les vins, il n’y en a qu’une à rete­nir (ouf !),
  • et elle per­met d’expliquer tous les types de vins.

Il suf­fit pour cela de jouer sur chaque terme de l’équation, comme nous allons le voir.

Abracadabra !

L’équation montre que la recette pour fabri­quer du vin se limite à deux ingré­dients, et une transformation :

1/ Le sucre : cela tombe bien, le rai­sin est un des fruits les plus sucrés qui soit. La pomme, par exemple, est un fruit moins sucré, ce qui explique que le cidre (obte­nu par fer­men­ta­tion du jus de pomme) soit moins riche en alcool : si on met moins de sucre au départ, on obtient moins d’alcool à l’arrivée, CQFD ! On com­prend éga­le­ment pour­quoi les vins du sud ont des degrés plus éle­vés que ceux du nord : les rai­sins ont reçu plus de soleil et sont donc plus gor­gés de sucres.

2/ Les levures : A prio­ri, on connaît sur­tout les levures en bou­lan­ge­rie, et ce n’est pas sur­pre­nant car le pain est aus­si un pro­duit de la fer­men­ta­tion. Ce ne sont pas les mêmes familles de levures qui sont uti­li­sées en vini­fi­ca­tion, mais le prin­cipe reste le même.
Mais au fait, que sont au juste ces levures, et où les trouve-t-on ? Ce sont des cham­pi­gnons micro­sco­piques qui se trouvent natu­rel­le­ment dans les caves ou sur la peau des rai­sins [dans la pruine, voir article sur le rai­sin]. Le vigne­ron peut aus­si choi­sir d’utiliser des levures industrielles.

3/ La fer­men­ta­tion : les levures « mangent » le sucre et le trans­forment en alcool et en gaz car­bo­nique. Ce gaz est le même que celui que vous reje­tez quand vous respirez.

Et la magie de cette équa­tion, c’est qu’elle per­met d’expliquer tous les types de vin : si tout le sucre est trans­for­mé par les levures, on obtient un vin sec (sans sucres rési­duels) ; s’il en reste, le vin sera doux. Si on laisse le gaz car­bo­nique s’échapper, on aura un vin tran­quille (sans bulles) ; si on en empri­sonne une par­tie, le vin sera effervescent.

Ça a l’air simple, mais pour la petite his­toire, sachez que si l’homme fait du vin depuis plus de 8.000 ans, cette équa­tion n’a été éta­blie qu’assez récem­ment, d’abord par Gay-Lus­sac en 1817, puis com­plé­tée grâce aux tra­vaux de Pas­teur (1866) mon­trant le rôle des levures. Pas très long­temps avant E = mc² en quelque sorte !


Le conseil de Charlotte

Soyez le plus sen­sible pos­sible, quand vous ache­tez ou dégus­tez une bou­teille, à tous les para­mètres du vin liés à la fer­men­ta­tion : Quel est le degré alcoo­lique affi­ché sur l’étiquette ? La contre-éti­quette indique-t-elle l’utilisation de levures natu­relles (indi­gènes)? Y a‑t-il un peu de sucre rési­duel dans le vin qui n’aurait pas été « man­gé » par les levures ? Sent-on un léger per­lant sur la langue à la pre­mière gor­gée, signe que le vin a gar­dé un peu de son gaz ?