On connaît tous les appellations « bicolores », dont les vins se déclinent aussi bien en rouge qu’en blanc : graves, sancerre, bourgogne, anjou… Mais il en existe d’autres dont on jurerait qu’elles voient toujours rouge, et qui cachent pourtant une facette « albinos » méconnue. Petit tour de France de quelques perles blanches et rares.
Un rouge chinon rien ?
François Rabelais se retournerait-il dans sa tombe ? Enfant de la région, aurait-il pu imaginer que l’on produise aujourd’hui, sous étiquette chinon, du vin blanc… et du très bon ?
Elaboré à partir du chenin, le grand cépage blanc du Val de Loire à l’origine des vouvray, montlouis et autres savennières, le chinon blanc représente environ 2% de la production de l’AOC. Une quarantaine de vignerons – un quart des producteurs quand même — se prêtent au jeu chaque année, et proposent ce vin vif mais non dénué de corps, aux arômes délicats de fruits blancs teintés de miel.
D’ailleurs, il ne s’agit peut-être pas d’une si grande bizarrerie, et la présence d’un tel vin pourrait bien être ancienne : il existe un lieu-dit Champ-Chenin dans une commune située à quelques kilomètres seulement de Chinon…
Le beau beaujolais blanc
Personne n’en parle vraiment en Beaujolais, et pourtant on se dit parfois que ces blancs-là feraient une meilleure publicité à la région que nombre de vins primeurs qui envahissent les rayons à l’approche d’Halloween…
Certes, le beaujolais blanc ne représente que 2% de la production (comme à Chinon), mais cela fait quand même la bagatelle de plus de 1,8 million de bouteilles par an… pas exactement une paille.
D’autant plus que le cépage à l’origine de ces quilles est le chardonnay, celui-là même qui donne aux grands blancs de Bourgogne toutes leurs lettres de noblesse. Quoi de plus logique d’ailleurs : le Beaujolais n’est-il pas le prolongement naturel du Mâconnais, porte sud de la Bourgogne ?
Une bonne façon de s’offrir à prix très doux un joli nectar, ainsi qu’une occasion de briller en société en dégainant la perle rare.
La robe blanche du Pape
C’est une affaire entendue, le châteauneuf-du-pape est un vin rouge. Bien sûr, il y a quelques cépages blancs dans l’appellation, mais ceux-ci entrent dans la composition des rouges et sont là pour contrebalancer, par leur fraîcheur, la générosité des raisins noirs.
Lors de l’élaboration du décret d’AOC au début des années 1930, le vin blanc n’est même pas mentionné… alors que cela fait des siècles que l’on en produit dans la région ! L’erreur sera vite réparée, et de nos jours quelques 6% de la production est dédiée à cette couleur, affichée par une soixantaine de domaines (sur 300).
Des vins aromatiques, alliant une grande ampleur (on est au sud, ne l’oublions pas) et une belle fraîcheur, qui n’ont rien à envier à leurs voisins du nord de la Vallée du Rhône, les crozes-hermitage blancs et autres saint-péray.
Les côtes-de-bourg débordent
Le vin blanc n’est pas exactement un étranger à Bordeaux, et on connaît bien les bordeaux blancs, les entre-deux-mers et les pessac-léognan, sans parler des blancs liquoreux emmenés par les sauternes.
Mais on ne pense pas franchement à venir les chercher dans cette terre de rouges que sont les Côtes de Bourg. Et pour cause, seule une vingtaine d’hectares est consacrée à cette couleur, soit à peine 1% de la production locale.
C’est dommage, car en plus d’être rares, les côtes-de-bourg blancs sont assez uniques en leur genre. Alors que partout ailleurs en Bordelais les blancs déclinent le trio de cépages sauvignon-sémillon-muscadelle (qui se résume souvent au duo des deux premiers), ici on travaille en plus un cépage un peu atypique, le colombard.
Sans doute une influence de la Charente voisine, où il entre dans l’élaboration du cognac et des vins de pays. De quoi apporter une touche exotique (fruit de la passion) et du relief aux traditionnels bordeaux blancs.
Le conseil de Jean
Produire ces vins blancs méconnus en terre de rouge, ce n’est pas toujours facile. Les vignerons qui s’y engagent ont donc la foi et sont en général digne de confiance.
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