Il est interdit d’ajouter du sucre pour fabriquer un vin doux. Mais alors, d’où vient ce sucre dans le vin ? Du raisin, bien sûr ! C’est du sucre « résiduel », non transformé en alcool pendant la fermentation. Tour d’horizon des différentes façons d’obtenir ce sucre « en plus ».
Comme on l’a vu dans l’article consacré à la fermentation, ce processus s’arrête quand tout le sucre du raisin a été consommé, transformé en alcool. Sachant qu’il faut environ 17 g/l de sucres pour donner 1 % d’alcool, la concentration habituelle des raisins vendangés est d’environ (si l’on vise un vin à 13 % d’alcool) 17 x 13 = 221 g/l de sucres.
Quand la fermentation se déroule sans histoire, on obtient un vin sans sucre résiduel, que l’on appelle « sec ». Mais que se passe-t-il si le raisin contient beaucoup plus de sucre que les levures ne peuvent en « manger » et que la fermentation s’arrête en cours de route ? Eh bien c’est simple, vous en retrouvez à la fin dans le vin, et vous obtenez un vin « doux ».
Mais comment obtenir ce sucre « en trop » ? En jouant avec le calendrier des vendanges (et un peu avec l’équation de la fermentation). Celles-ci ont généralement lieu en septembre, mais le vigneron peut aussi choisir d’attendre plusieurs phénomènes.
Le passerillage
Les raisins laissés sur pied après la date « normale » des vendanges commencent à se dessécher, ce qui provoque une concentration du sucre dans les grains, qui prennent un aspect flétri, proche du raisin sec. Le résultat sera un vin moyennement doux, qualifié de « moelleux », comme les « Vendanges tardives » alsaciennes (dont le nom prend maintenant tout son sens) ou certains vins de Loire (vouvray, montlouis).
Il existe une autre technique de passerillage qui consiste à vendanger normalement les grappes en septembre, puis à les faire sécher non plus sur pied mais dans un local (par exemple sur de la paille, d’où le nom de « vin de paille » dans le Jura).
La pourriture noble
Si l’on attend encore, il peut se développer sur le raisin un champignon, le Botrytis cinerea, aussi appelé « pourriture noble », qui a pour double effet de dessécher encore un peu plus le raisin et de changer sa composition chimique, conférant des arômes confits, rôtis.
On obtient alors des vins très doux, qualifiés de liquoreux (aussi sucrés qu’une liqueur).
Seules quelques régions sont favorables à l’apparition de ce phénomène, telles que Bordeaux (les fameux sauternes), la Loire (coteaux-du-layon) ou encore l’Alsace (les « Sélections de grains nobles »).
Le gel
Enfin, si l’on attend encore, dans certaines régions les grappes sur pied finissent par… geler ! Quand la température avoisine les –10 °C, on récolte les grappes desséchées et gelées que l’on presse : un jus très concentré en sucre s’écoule alors, la majorité de l’eau restant prisonnière des billes de glace. On obtient là encore un vin excessivement doux, le bien-nommé « vin de glace ».
Si l’on en produit anecdotiquement en Alsace, on en trouve plus fréquemment en Allemagne et en Autriche mais surtout au Canada, qui s’en est fait une spécialité.
Le mutage
Si l’on regarde notre équation de la fermentation, on voit qu’il y a une autre façon d’obtenir des vins doux : il suffit d’arrêter le travail des levures en cours de route. Le sucre non encore transformé en alcool se retrouvera dans notre vin final.
Comment ? En ajoutant de l’alcool (neutre) en début de fermentation, ce qui aura pour double effet de tuer les levures et d’apporter le complément d’alcool manquant.
C’est ainsi que l’on élabore les « vins doux naturels » tels que le banyuls, le rivesaltes ou encore les muscats.
Le conseil de Charlotte
Baladez-vous dans les vignobles après les vendanges. Il reste souvent sur les pieds des petites grappes oubliées : observez-en l’aspect flétri, regardez si vous décelez de la pourriture « noble » et… goûtez quelques grains pour vous familiariser avec ces saveurs.
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